!TW : Violences conjugales. !! : L’emprise et les facteurs personnels ne sont pas les seuls facteurs des violences conjugales, il est important de garder à l’esprit les facteurs sociétaux, politiques, historiques et matériels de ces situations.
Quand une personne subit des violences et qu’elle n’arrive pas à se protéger, on dit souvent qu’elle est sous l’emprise de son agresseur. Depuis juillet 2020, dans un mariage, la méditation dans le cadre familial n’est plus possible si l’un des partenaires a une emprise manifeste sur l’autre (Articles 255 et 373-2-10 du Code civil). Mais concrètement, qu’est ce que c’est d’être sous emprise ?
De quoi parle-t-on ?
L’emprise est a différencier du pouvoir :
- Le pouvoir se traduit par la capacité d’un individu à faire faire ce qu’il veut à l’autre en le contrôlant de l’extérieur ;
- L’emprise est la capacité à faire-faire, faire penser, faire ressentir, faire dire qu’il/elle veut à l’autre en le/la contrôlant de l’intérieur.
Le but de l’emprise est la suivant : Maintenir la personne source de satisfaction à proximité immédiate. Elle a pour fonction de réunir les facteurs propices à l’expérience de satisfaction. (Annie Ferrand (2008) Le travail de l’emprise : accords et désaccords)

- « C’est comme si il avait mit un couvercle sur ma personnalité que je n’arrive pas à enlever »
- « C’est comme une toile d’araignée ou un serpent autour de moi »
- « Il me mène comme une marionnette »
- « C’est comme si il était toujours derrière moi, même quand il n’est pas là »
L’emprise ne se met pas en place du jour au lendemain, elle se construit au fil de la relation.
Etape 1 : La séduction ou le « love bombing »
Durant cette première phase, le conjoint agresseur se présente comme l’être idéal, parfaitement adapté aux attentes de la personne visée. Il répond à tous ses besoins tout en la plaçant sur un piédestal.
Cela peut se traduire par l’expression de grandes valeurs morales, de la flatterie, de l’admiration, des attentions, de la générosité, beaucoup d’empathie …
Ici, la personne visée est paralysée, stupéfiée dans le sens positif du terme par ce bombardement d’amour.

Cette phase de la relation est souvent décrire comme idéale, parfaite et très fusionnelle. Cette dynamique s’inscrit largement dans un mythe qui a bercé l’enfance de beaucoup : le mythe du prince charmant.
Une préparation psychologique à la soumission
Selon la psychiatre Marie-France Hirigoyen, il ne s’agit pas d’un séduction amoureuse réciproque, mais d’un séduction narcissique destinée à fasciner l’autre et en même temps à la paralyser (Femmes sous emprise : les ressorts de la violence dans le couple).
En effet, en ayant le pouvoir de mettre une personne sur un piédestal, l’agresseur à aussi le pouvoir de l’en faire redescendre. Cette descente se fait petit à petit : par la persuasion, la manipulation, des violences et humiliations à « basse fréquence » à partir des éléments que sa victime lui aura confié dans cette phase très fusionnelle. Souvent, ces comportements vont se justifie par « l’amour » et les « besoins » du partenaire agresseur.
Etape 2 : L’autre devient la référence
Suite au « Love Bombing », la personne est conditionnée : elle se sent spéciale, tombe amoureuse et s’adapte aux attentes de l’agresseur :
« J’adorais quand tu avais les cheveux longs »

« Je vais me coiffer comme ça pour lui faire plaisir »
« Je te préfère au naturel »

« J’arrête de me maquiller par ce qu’il me préfère comme ça »
« Je pense que ta sœur ne t’aime pas »

« J’ai des doutes sur les intentions de ma sœur »
Petit à petit, l’agresseur isole sa victime et devient son seul interlocuteur : sa seule référence, c’est lui.
Ainsi, s’installe la dépendance qui fait qu’elle ne pense plus par elle-même mais par et pour lui. Son estime d’elle même va dépendre du regard qu’il pose sur elle.
Une vision de soi dictée par l’autre
L’estime de soi et la confiance en soi sont deux notions proches mais pourtant différentes :
- L’estime de soi concerne l’évaluation qu’une personne fait de sa propre valeur, c’est son degré de satisfaction d’elle même. Il ne s’agit pas de se trouver meilleur(e) que les autres, mais de s’accepter, d’être tolérant(e) et satisfait(e) de soi. (Rosenberg (1965))
- La confiance en soi concerne la confiance qu’une personne a en ses capacités sur une situation ou une action donnée.
L’emprise et les violences psychologiques viennent attaquer les deux : le regard que le partenaire agresseur va poser sur sa victime va être tantôt positif, tantôt négatif. C’est justement ces stimulations et injonctions paradoxales qui vont être déstabilisantes et que vont la plonger dans un état de confusion. Elle ne sait plus sur quel pied danser, ce qui permet à l’agresseur de mener la danse.
Etape 3 : Maintenir la domination et le contrôle
Lorsque le processus d’emprise n’est pas identifié, la personne victime de violences n’a plus de résistance : elle se sent piégée et ne voit pas d’issue pour en sortir. Voici quelques processus qui sont à l’œuvre :

- L’effraction psychique ;
- Les injonctions paradoxales ;
- La programmation ;
- Les stratégies des auteurs de violence ;
- Le cycle des violences.
L’effraction psychique
Il s’agit de coloniser l’esprit de l’autre en pensant pour lui/elle sans le/la prendre en compte :
Par exemple : « Si tu fais … , c’est que tu ne m’aimes pas. » , « Tu dis … mais c’est … ce que tu penses. »
Ici la personne victime peut tenter de se justifier pour exprimer sa position mais tout ce qu’elle dira ou exprimera sera utilisé contre elle.
Les injonctions paradoxales
Il s’agit de capter l’attention et la confiance de la personne pour la priver de son libre arbitre en utilisant un communication verbale et non verbale paradoxale.
Par exemple : « Des regards ou des attitudes qui annoncent une violence, puis des attitudes rassurantes pour banaliser ce qui vient de se produire » , « Reprocher de ne pas s’occuper des enfants puis reprocher de ne pas être une partenaire soutenante qu’elle s’occupe des enfants ».
Ce comportement a pour effet de détruire la confiance en soi de la personne victime car elle se met à douter de ses perceptions et penser qu’elle est folle.
La programmation
Il s’agit des moments où la personne obéit à un l’ordre sans intégrer l’information. La personne a l’illusion de la liberté et croit qu’elle maîtrise sa vie.
Par exemple : « Mr n’interdit pas directement à Mme de voir ses ami(e)s. Cependant, à chaque fois qu’elle sort voir d’autres personnes, il ne lui parle plus pendant plusieurs jours. Petit à petit, elle voit de moins en moins ses ami(e)s. »
Ce comportement a pour effet que la personne victime se sente co-responsable de la violence qu’elle subit car elle pensera avoir choisit de manière libre et éclairée de s’enfermer dans cette relation.
Les stratégies des auteurs de violence
Ces processus s’inscrivent dans les stratégies des auteurs de violence pour verrouiller le secret. Elles ont été identifiées par les associations féministes d’aide au victime comme le CFCV :
- Isoler la victime ;
- La dévaloriser, la traiter comme objet ;
- Inverser la culpabilité ;
- Entretenir la confusion ;
- Instaurer un climat d’insécurité ;
- Mettre en place les moyens d’assurer son impunité en recrutant des allié(e)s.
Le cycle des violences
Enfin, la difficulté de ces relations est qu’il n’y a pas des violences (verbales, psychologiques, physiques, sexuelles, administratives, économiques, cyberviolences) en permanence. En tout cas pas au début.
Les actes de violences interviennent par cycle, entre des phases de lune de miel où l’agresseur reprend des attitudes similaires au « love bombing », des phases de tensions qui n’explosent pas toujours (injonctions paradoxales) et des phases de déresponsabilisation qui commence en général par des phases de Co responsabilisation (« On va travailler sur notre relation pour que je ne sois plus violent »).

Image trouvée sur le site : https://fmhf.ca/definitions/cycle-de-la-violence/
Reconnaître la situation et demander de l’aide
D’autres outils comme le violentomètre peuvent vous aider à repérer si vous êtes ou avez été dans une situation de violence.
Si vous vous reconnaissez dans cet article, sachez que ces violences sont graves et sont interdites par la loi. Vous n’êtes ni responsable ni coupable des violences que vous subissez et vous avez le droit de demander de l’aide.
La ligne nationale d’écoute, d’information et d’orientation du 3919 (gratuite, anonyme, 24h/24) peut vous aider à faire le point et vous indiquer les coordonnées d’associations spécialisées proches de chez vous.
Vous pouvez également me contacter en allant de la rubrique contact.
Si vous souhaitez vous former ou approfondir vos connaissances pour soutenir et accompagner des personnes sous emprise, vous pouvez découvrir nos programmes détaillés ici.







Laisser un commentaire